MAFOuz : La Mission archéologique franco-ouzbèke de Sogdiane

, par Marc-Antoine Rey

Présentation des fouilles de Samarkand / Afrasiab, Koktepe, Kindikli-tepe, Yangi-rabat, Sangir-tepe, Padayatak-tepe, Derbent / Portes de Fer en Sogdiane, Turtkul.
Par Claude Rapin


Fig. 2

La mission archéologique franco-ouzbèke de Sogdiane (MAFOuz de Sogdiane) est le fruit d’un accord entre l’Académie des sciences de l’Ouzbékistan et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS / AOROC). Dirigée par Frantz Grenet, directeur du côté français (CNRS / EPHE), puis Claude Rapin (CNRS) et par Mukhammadjon Isamiddinov, puis Marina Reutova, directeurs du côté ouzbek (Institut d’Archéologie de Samarkand), la MAFOuz de Sogdiane œuvre en Ouzbékistan depuis 1989. La mission s’est donnée pour but l’étude de la civilisation de l’ancien pays de Sogdiane qui dans l’Antiquité s’étendait entre l’Amou-darya et les Portes de Tamerlan, avant de se concentrer sur le bassin du Zerafshan et du Kashka-darya (en gros la partie centrale de l’Ouzbékistan actuel). L’activité de la mission embrasse toutes les périodes depuis l’âge du Fer ancien jusqu’à l’invasion mongole de 1220. Elle oeuvre d’une part à Afrasiab, site de Samarkand depuis sa fondation au VIe ou au Ve s. av. n.è. jusqu’à l’invasion mongole de 1220, d’autre part sur plusieurs sites complémentaires importants : Koktepe, Kindikli-tepe, Yangi-rabat, Akdzhar-tepe, Sangir-tepe et Padayatak-tepe (près de Shahr-i Sabz), Derbent/Portes de Fer (parfois dites sogdiennes ou de Termez), Turtkul (près de Zaamin).
 

Les sites étudiés

  • Plusieurs chantiers ont été ouverts depuis 1989 sur l’ensemble du plateau d’Afrasiab (la Maracanda-Zariaspa des sources classiques) afin d’étudier le système des remparts et de l’alimentation urbaine en eau, et sur la “ville haute”, plateau fortifié séparé du « shahristan » (la ville close), constituant la citadelle au sens large de la ville, sur lequel se sont de tous temps concentrés les édifices représentatifs de la cité, sacrés et politiques, notamment divers palais de l’époque islamique.
  • Le site de Koktepe, à trente kilomètres au nord de Samarkand a été fouillé de 1994 à 2008. Fondé dans la seconde moitié du IIe millénaire av. n.è., mais abandonné dès la période séleucide, il est notamment susceptible de faire connaître l’âge du Fer ancien et d’éclairer ainsi les circonstances qui ont conduit à la fondation des grandes villes centre-asiatiques comme Samarkand. À l’époque pré-achéménide et achéménide, la ville, alors connue sous le nom de Gava, a constitué un important centre religieux dont la fouille a été riche en informations sur les origines des cultes de type avestique. Après avoir servi à la résistance sogdienne lors de la conquête macédonienne de 328 (les historiens d’Alexandre l’évoquent alors sous le nom de Gabai), le site est transformé en forteresse avant son abandon dans le courant du IIIe siècle av. n.è. Parmi les trouvailles majeures figure celle d’une tombe nomade princière datant du début de notre ère, importante source d’informations pour l’étude des migrations nomades en Asie centrale.

 

De 2007 à 2014, trois autres sites proches ont été abordés en liaison avec la problématique de Koktepe :

  • a) le site de Kindikli-tepe, probablement occupé dès l’âge du Fer, mais également important par la présence d’un château qui a contrôlé vers les Ve -VIe siècles de notre ère la distribution des eaux dans les canaux Bulungur et Poy.
  • b) un ensemble de kourganes antiques dans la zone de Yangi-rabat et d’Akdzhar-tepe à la frontière de la steppe.
  • Le site de la muraille-frontière des “Portes de Fer” à Derbent, près de Baïsun, a été fouillé de 1995 à 1997. Il a fourni de précieuses informations sur l’histoire de la Sogdiane et le système des communications et des frontières entre le nord et le sud de cette région. Construite à l’époque hellénistique, probablement dans la seconde moitié du IIIe s. av. n.è., la muraille a été restaurée à plusieurs reprises à l’époque kouchane, au haut moyen âge et sous Tamerlan. Cette zone a en outre été au cœur des préoccupations d’Alexandre le Grand lors de ses divers trajets entre Bactres et Samarkand entre 329 et 327 av. n.è. Son étude a conduit à de nombreuses observations nouvelles sur la géographie historique antique de l’ensemble de l’aire centre-asiatique.
  • Les sites de Sangir-tepe et de Padayatak-tepe, près de Shahr-i Sabz, relèvent de l’antique Kish-Nautaka, où les fouilles ont mis au jour des couches allant de l’âge du Fer ancien à l’époque kidarite. Parmi les trouvailles de Sangir-tepe figurent notamment un sanctuaire hors les murs d’époque achéménide, un château circulaire d’époque chionite et un ensemble funéraire de la même période qui a livré les restes d’un ossuaire zoroastrien de type inédit. Le site de Padayatak-tepe, constituant la citadelle de la ville antique devrait permettre de suivre l’évolution historique de l’âge du Fer ancien à l’époque hellénistique.
     

    Organisation de la mission

    Le financement de la mission est assuré principalement par le Ministère des Affaires Étrangères et secondairement par le CNRS, subventions que complètent occasionnellement des dotations privées (notamment, de 1999 à 2002, la Fondation Max Van Berchem à Genève et, de 2010 à 2013, l’Ambassade de Suisse en Ouzbékistan). La mission effectue deux campagnes annuelles, l’une en mai-juin, l’autre d’août à octobre. Sur place à Samarkand, elle dispose d’une base à l’Institut d’Archéologie, avec notamment un tessonnier de référence couvrant toutes les périodes étudiées, accessible aux chercheurs qui en font la demande. La mission contribue également au développement de la bibliothèque de l’Institut d’Archéologie ; elle soutient en outre la numérisation des archives du même Institut et celle des publications de l’époque soviétique et plus récentes relatives à l’archéologie de l’Asie centrale ; grâce à une collaboration entre Géraldine Fray (restauratrice) et le laboratoire de restauration de l’Institut d’Archéologie, la mission contribue enfin à la restauration des peintures murales d’époque karakhanide découvertes à Afrasiab (XIIe – début XIIIe s.) et à la sauvegarde de la peinture d’Afrasiab dite « des Ambassadeurs » (VIIe s.), ainsi qu’à la restauration de diverses trouvailles, notamment d’ossuaires zoroastriens.

    Equipe de la MAFOuz de Sogdiane en 1996

    Outre Frantz Grenet, les collaborateurs français et étrangers sont notamment Paul Bernard (†), Yuri Karev (fouille d’Afrasiab), Claude Rapin (fouilles d’Afrasiab, Koktepe, Kindikli-tepe, Derbent/Portes de Fer, Sangir-tepe et fouille de Yangi-rabat et d’Akdzhar-tepe en collaboration avec la doctorante Julie Vallée-Raewsky), Bertille Lyonnet (céramologue), Pierre Gentelle (géographe [†]), Sebastian Stride (responsable de la prospection du nord de la plaine du Zerafshan), Laurianne Martinez-Sève et Charlotte Baratin (fouille du grenier d’Afrasiab), Johanna Lhuillier (fouille de Padayatak-tepe et de Koktepe), Étienne de la Vaissière (fouille de Turtkul, caravansérail près de Zaamin en Ustrushana), Géraldine Fray (programme de restauration des peintures sogdiennes et karakhanides d’Afrasiab), François Ory (architecture). Outre Mukhammadjon Isamiddinov (co-responsable des fouilles d’Afrasiab et de Koktepe), les principaux collègues ouzbeks, associés à toutes les étapes de la fouille et de la publication, sont Mutallib Khasanov (également responsable des fouilles de Sangir-tepe et Padayatak-tepe près de Shahr-i Sabz), Igor IvantskiJ, Aleksej Gritsina, Ljudmila Sokolovskaya (†), Shohimardan Rakhmanov (†), Anvar Atakhodjaev (numismate), Ljudmila Shpeněva (numismate et spécialiste de la céramique), Elizaveta Lushnikova (céramologue), Nadejda Almazova (spécialiste du verre et de l’outillage), Marina Reutova (restauratrice et actuellement co-directrice de la MAFOuz de Sogdiane), Janna Sukasjan, Gulnora Akhkova et Gulbakhor Pulatova (restauratrices), Marija Gritsina (spécialiste des ossements). Deux collègues du Musée de l’Orient à Moscou se sont enfin régulièrement jointes à la mission, Olga Inevatkina (fouilles relatives à l’histoire de l’urbanisme) et Elena Kurkina (architecte [†]), ainsi que deux architectes de Saint-Pétersbourg, Olga Zaitseva et Vasilij Gomosov.
     
    Adresse à Samarkand :
    Institut d’archéologie de l’Académie des Sciences d’Ouzbékistan, ul. Akademika Abdullaeva 3, Samarkand, 703051, Ouzbékistan.
    Tél./Fax :
    00 998 662 32 12 90