Projet Collectif de Recherches 2018-2020 « Saint-Bertrand-de-Comminges / Valcabrère : entre ville et campagne. Archéologie d’une périphérie urbaine de l’époque romaine au Moyen Âge »

, par Jean-Michel Colas

Axe 1 - Programme de recherches : Nécropoles et territoires périurbains de Saint-Bertrand-de-Comminges – Lugdunum des Convènes

La nécropole monumentale de Saint-Just de Valcabrère et son environnement à l’époque romaine et au Moyen Âge

Programme de fouille triennal 2018-2020


Programme de recherches de l’École Pratique des Hautes Études (UMR 8546 CNRS ENS-Paris AOROC et Université de Paris PSL) avec la collaboration du Musée archéologique départemental de Saint-Bertrand-de-Comminges, de l’Institut archéologique de Vienne (ÖAI) et de la société Éveha ; soutenu par le ministère de la Culture (DRAC Occitanie), le département de la Haute-Garonne et la Région Occitanie, avec la collaboration des mairies de Valcabrère et de Saint-Bertrand-de-Comminges.

Sous la direction de William Van Andringa, directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études, UMR 8546 CNRS ENS-Paris AOROC et membre de l’Institut universitaire de France

Vue aérienne du chantier de Saint-Just. Les mausolées du IVème siècle apr. J.-C. sont tournés vers l’église romane qui sera construite quelque sept siècles plus tard (cliché ©Joël Estrade).

Équipe 2019 : Alice Baud (université de Paris 1), Morgane Berrone (université de Bordeaux), Anthony Carneaux (université de Lille), Camille Coupeur (EPHE), Arnaud Coutelas (ArKeMine), Thomas Creissen (Éveha international et université de Tours), Solenn de Larminat (université d’Aix-Marseille), Jean-Patrick Duchemin (université de Lille), Aude Durand (université de Lille), Alexandra Fasquel, Laurine Gobert (université de Lille), Raphaël Golosetti (Sorbonne Université), Morgan Grall (Éveha), Lisa Guillermain (université d’Aix-Marseille), Adrien Jardin (université de Toulouse), Tuija Lind, Adrien Malignas (Mosaïques Archéologie), Victor Adrian Morcillo (université de Madrid), Audrey Roger (conseil d’archéologie du Tarn), Elsa Roux (université Grenoble Alpes), Caterina Schorer (université de Paris 1), Verdiana Sorrento, Camille Thabard (Grottes & Archéologies), William Van Andringa (EPHE), Clément Venco (université de Toulouse), Ludivine Vermersch (université de Bordeaux)

Équipe 2020 : Anthony Carneaux, Camille Coupeur (EPHE), Franck Decanter (UMR 8546 CNRS ENS-Paris AOROC), Raphaël Golosetti (Sorbonne Université), Morgan Grall (Éveha), Jérémy Gribaut, Adrien Jardin (université de Toulouse), Chloé Lacourarie, Adrien Malignas (Mosaïques Archéologie, UMR 8546 CNRS ENS-Paris AOROC), Aline Philippe-Mahieu (université de Toulouse Jean-Jaurès), Juliette Renault, Audrey Roger (université de Toulouse Jean-Jaurès), Elsa Roux (IRAA, MMSH Aix-en-Provence), Verdiana Sorrento (Éveha), Camille Thabard (Grottes & Archéologies), William Van Andringa (EPHE, UMR 8546 CNRS ENS-Paris AOROC), Clément Venco (université de Toulouse Jean-Jaurès)

Avec la collaboration de : Thomas Le Flecher (Éveha), Boris Hollemaert (Éveha) et de Nicolas Saulière (Éveha)

Une capitale de cité : Lugdunum des Convènes

Tout au long du XXème siècle, des fouilles archéologiques d’ampleur ont révélé le centre monumental de la ville romaine de Lugdunum des Convènes, situé dans la ville basse de Saint-Bertrand-de-Comminges. Ces travaux sur le long cours ont notamment permis de dégager des édifices marquants de l’évolution du paysage urbain antique, un théâtre, un temple consacré au culte impérial, un marché public, des établissements thermaux et une basilique chrétienne. En 2016, après une décennie d’interruption de l’activité archéologique, une équipe menée par William Van Andringa, directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études (Paris), a repris la recherche. Celle-ci est ciblée désormais sur les nécropoles qui structuraient la périphérie urbaine de la ville romaine. Les fouilles menées dans la suburbium oriental ont d’abord révélé les vestiges du grand mausolée d’Herrane, installé dans un parc arboré et intégré sans doute dans une villa suburbaine du IIème siècle apr. J.-C. qui faisait face à la ville, avant de mettre au jour les vestiges d’une nécropole monumentale qui est très certainement à l’origine du premier lieu de culte chrétien de Saint-Just de Valcabrère.


Le projet archéologique s’est appuyé sur les résultats d’une prospection géophysique qui a révélé les traces de structures enfouies. La fouille a permis d’identifier deux paysages distincts, à l’ouest, des enclos et une route du Haut-Empire ; à l’est, des monuments funéraires de l’Antiquité tardive et des bâtiments ecclésiaux du Moyen Âge (plan et composition : ©Klaus Freitag, ÖAI).

Un Projet Collectif de Recherches

Ces travaux sont désormais intégrés dans un programme collectif de recherches (2018-2020) qui considère différents aspects de la ville antique et de sa périphérie, l’évolution de la structure urbaine, l’histoire du camp militaire romain et les infrastructures qu’il a générées (routes, nécropoles, quartier urbain), la genèse et les transformations des ensembles funéraires jusqu’aux profondes transformations du Haut Moyen Âge désormais bien caractérisées autour de l’église de Saint-Just (habitat, cimetière). Ces études, organisées par l’université de Lille puis par l’École Pratique des Hautes Études (université de Paris PSL), l’Institut archéologique de Vienne, avec la collaboration de chercheurs venant des universités de Toulouse, Aix-en-Provence, Bordeaux et Tours, du musée de Saint-Bertrand-de-Comminges et de la société Evéha, complètent ainsi la connaissance que nous avons de l’histoire de la ville de Lugdunum des Convènes devenue Saint-Bertrand-de-Comminges, cela sur la très longue durée puisque les traces identifiées vont du Ier Âge du Fer à la fin du Moyen Âge.

Une nécropole monumentale de l’Antiquité tardive à Saint-Just de Valcabrère

Depuis 2017, l’essentiel des travaux concerne les environs de l’église romane de Saint-Just de Valcabrère. En effet, les prospections géophysiques de l’Institut archéologique de Vienne ont révélé dans une parcelle jouxtant l’église la présence d’un grand nombre de structures qu’il s’agissait toutefois d’identifier par une fouille du secteur. Une série de sondages d’évaluation ont, dans un premier temps, permis d’identifier deux paysages complètement distincts au sein de la même parcelle. À l’ouest, on trouve de grands enclos énigmatiques de l’époque augustéenne ainsi qu’une route du Haut-Empire venant du camp militaire et se dirigeant vers la vallée de Saint-Béat et ses carrières de marbre, sans aucun doute la véritable justification de l’établissement d’une garnison à Lugdunum. À l’est, au-delà d’un fossé parcellaire, des mausolées de l’Antiquité tardive et des structures funéraires et domestiques du Moyen Âge ont pu être reconnues, faisant ainsi de Saint-Just un site clé dans la compréhension de l’évolution urbaine et suburbaine de Lugdunum entre l’époque romaine et la fin du Moyen Âge, date d’une mise en culture de la zone étudiée.

L’étude de la nécropole de Saint-Just constitue un projet structurant de l’ensemble du PCR. Le pôle de peuplement fouillé est en effet révélateur des grandes évolutions de la ville et de son territoire, cela sur le temps long, de l’Âge du Fer à la fin du Moyen Âge. Une campagne de sondages d’évaluation (2017) et trois campagnes de fouille (2018-2020) ont permis de fouiller trois, peut-être quatre monuments funéraires du IVème siècle, plusieurs phases funéraires du Haut Moyen Âge jusqu’à l’occupation du lieu par un habitat carolingien et des dépendances de l’église romane ; la découverte en 2020 d’un grand bâtiment multi-phasé K qui semble polariser la nécropole du IVème siècle permet désormais d’identifier un ensemble funéraire installé à cette époque, selon des modalités particulières qui restent à élucider par la fouille intégrale du bâtiment K que nous identifions pour l’instant à un grand mausolée à chambre hypogée.

Vue aérienne des mausolées du IVème siècle.


Une enquête sur la mémoire polymorphe d’un territoire

Un projet archéologique est d’abord une enquête de terrain, nécessitant des savoir-faire professionnels dans la mise en évidence et l’enregistrement des traces et des structures laissées par les populations du passé ; il constitue tout autant un formidable laboratoire sur la compréhension des sociétés humaines, de leurs façons d’occuper un territoire ou de vivre en communauté, de leurs manières d’interagir avec leur environnement et de construire des traditions. De tels enjeux qui nourrissent utilement notre mémoire contemporaine justifient ainsi pleinement d’une part que ce projet intègre un volet formation pour les étudiants d’archéologie de plusieurs universités françaises (Paris, Lille, Toulouse, Bordeaux, etc.), d’autre part que la discipline que nous représentons et les résultats soient expliqués quotidiennement aux scolaires et au grand-public dans le cadre d’une médiation de chantier qui est au cœur du partenariat élaboré avec le Département de la Haute-Garonne et la Région Occitanie. Les opérations de médiation s’adressent tout autant aux habitants de Saint-Bertrand-de-Comminges et de Valcabrère qui nous reçoivent sur leur territoire : c’est en effet au premier chef leur mémoire que nous révélons.

 

Réception d’une classe primaire par Camille Thabard, médiatrice du chantier (cliché ©MSJT).