(D)écrire les mers
Pascal Arnaud

, par Agnès

Vendredi 11 mars 2022, 14h-17h
Conférence en salle F de l’ENS et en visioconférence, dans le cadre du séminaire « (D)Écrire le monde : science et littérature (des Anciens aux Modernes) »


Lien vers la visioconférence


Pascal Arnaud (Université de Lyon II / Institut Universitaire de France
https://univ-lyon2.academia.edu/PascalARNAUD

(D)écrire les mers
Décrire l’espace maritime, c’est en théorie décrire l’ensemble des éléments qui constituent le savoir du pilote et sont aujourd’hui matérialisés sous la forme d’instructions nautiques.
Ces éléments sont très différents dans leur nature et dans les systèmes de représentations qui les accompagnent. C’est tout d’abord un paysage côtier, linéaire, commensurable, totalement aplati vu du large, en forme d’horizon dont ne se détachent que quelques points remarquables (amers), naturels ou artificiels, reconnaissables seulement de qui sait le reconnaître. C’est aussi un espace où se concentrent les dangers et les opportunités, notamment les ports. C’est aussi la haute mer parfois vide, parfois parsemée d’îles, isolées ou concaténées. Cet espace génère d’autres perceptions de l’espace et un autre système descriptif.
C’est aussi un espace mouvant dont la surface est variable, exposé à des systèmes météorologiques dont on doit connaître les dominantes et les caprices, car il est soumis à des changements dont les signes avant-coureurs sont dans une certaine limite connaissable. Ciel et vents dominants sont aussi les composantes d’un compas qui permettent de tracer la route ou de prendre une option de route dans un espace apparemment dépourvu de repères pour le profane. C’est enfin un espace qui a aussi une dimension sous la surface, dans des fonds qui ont à la fois une profondeur et une nature qui sont autant de signes, et où se cachent autant de dangers que d’opportunités.
L’assemblage de ces savoirs fait la science du pilote. Essentiellement le fait d’une transmission orale, il s’est le plus souvent éteint avec ses détenteurs. En partie seulement, car il s’est en partie transmis à travers la tradition péri- et dia-plographique, qui ont à leur tour nourri la géographie ancienne et fondé les premières représentations du monde. Deux textes – tous deux des compilations – se distinguent par leur complexité et par la façon dont ils décrivent l’espace maritime en assemblant des données tirées de l’expérience des marins. Le Stadiasme de la Grande Mer et le Périple de la Mer Erythrée. On se fondera particulièrement sur ces deux textes pour comprendre l’itinéraire complexe qui a conduit de savoirs professionnels dont la nature exacte était un mystère pour les auteurs anciens aux écrits périplographiques parvenus jusqu’à nous dans la forme complexe qui est devenue la leur.